LÉDA (iconographie)

LÉDA (iconographie)
LÉDA (iconographie)

LÉDA, iconographie

Dans la Bibliothèque d’Apollodore d’Athènes (\LÉDA (iconographie) 180), dans l’Hélène d’Euripide, les Fables d’Hygin et les Dialogues de Lucien, on trouve plusieurs versions de la légende des amours de Zeus déguisé en cygne et de Léda, épouse du roi Tyndare de Lacédémone. Selon la version la plus répandue, le fruit de ces amours fut deux œufs d’où éclorent les Dioscures Castor et Pollux et Hélène et Clytemnestre. Pausanias dans sa Description de la Grèce rapporte une tradition selon laquelle Léda n’aurait eu qu’un œuf qui aurait été conservé à Sparte. La plus ancienne œuvre plastique inspirée par ce mythe serait le groupe de Timothéos, sculpteur grec du IVe siècle; il représentait le moment où le cygne cherche refuge contre l’attaque d’un aigle et où Léda, le pressant contre elle, le protège de son manteau (une réplique romaine, connue à la Renaissance, se trouve à Rome au musée du Capitole). Cependant le motif de Léda et de l’œuf se rencontre sur des vases attiques dès 425 environ. Par la suite la légende fut relatée de façon plus érotique, illustrant le moment de l’accouplement du cygne et de Léda — représentée soit en pied (groupe sculpté du musée archéologique de Venise), soit couchée comme dans des reliefs de Tanagra, des lampes, des camées, des peintures murales et des sarcophages romains.

Sous ces diverses formes, le thème était bien connu à la Renaissance et des sculptures ou pierres gravées antiques sont mentionnées dans diverses collections romaines des XVe-XVIe siècles. Les mythographes de la Renaissance se sont emparés de la légende et l’ont glosée. Dans le Songe de Poliphile de F. Colonna (1499), deux gravures montrent les œufs pondus par Léda et l’oracle rendu par Apollon sur ces œufs; de l’un sortirent deux étoiles (symboles de la Concorde incarnée par les Dioscures), de l’autre s’échappèrent des flammes (symboles de la Discorde apportée par Hélène, cause de la guerre de Troie, et Clytemnestre, meurtrière d’Agamemnon). Avec Léon l’Hébreu (dont la pensée a influencé les milieux cultivés vénitiens de la Renaissance) ou Pic de la Mirandole (qui marqua fortement le milieu médicéen et les artistes actifs à Florence), la légende fut l’objet d’interprétations néo-platoniciennes. En effet, la scène des amours de Zeus et de Léda apparaissait souvent sur des reliefs de sarcophages romains tardifs comme d’autres scènes d’amour entre dieux et mortels entraînant la mort et une sorte d’apothéose du mortel; aussi, comme l’a remarqué E. Wind (Pagan Mysteries in the Renaissance , éd. rev., Oxford Univ. Press, 1980), les idées de hieros gamos et de mort, de ravissement amoureux et de destinée tragique furent spontanément associées par ces penseurs. L’amour d’un dieu devenait ainsi l’image d’une des phases de l’ascèse platonicienne, par laquelle l’individu en s’oubliant lui-même se joint progressivement à Dieu. Mais la Renaissance connut aussi des interprétations plus simples et plus libertines du thème, comme dans la Défloration de Lède de Ronsard. Le succès de l’histoire de Léda tient dans une large mesure aux deux magnifiques compositions qu’en imaginèrent Léonard de Vinci et Michel-Ange. Chez Léonard, le mythe de la fécondité miraculeuse de Léda prend place au sein de recherches sur la vie, la naissance, la vitalité mystérieuse de la nature. Les premières études pour sa Léda la montrent émergeant d’un marais touffu. Il semble que la version finale (ancienne collection Spiridon) ait été peinte pour célébrer le mariage de Ludovic le More, ce qui expliquerait l’érotisme triomphal du groupe et le plumage gris du cygne. Dans les années 1529-1530, Michel-Ange, parallèlement aux tombeaux des Médicis, élabore une Léda très proche de la figure de la Nuit par sa pose. Michel-Ange traduisit ainsi l’amalgame parfois opéré dans la mythologie grecque entre Léto (la Nuit) qui pondit un œuf d’où naquirent la Mort et le Sommeil (symbolisés ici par le masque et les pavots) et Léda dont l’abandon amoureux exprime cette mors osculi (mort de baiser) des néo-platoniciens. Son tableau, destiné au beau-frère de Ludovic le More, Alphonse d’Este, est perdu, mais les copies se multiplièrent dès les années 1530, notamment en France (carton de Rosso), ainsi que les estampes. Le thème connut une diffusion importante à Florence dans la première moitié du XVIe siècle avec Pontormo, Bacchiaca, Bugiardini, Sodoma, Pierino da Vinci (relief), Cellini (bijou), Ammannati (petites sculptures). Il fut traité sur un mode plus naturaliste par Corrège (tableau à Berlin) et Tintoret (Offices, Florence). Le tableau de Corrège influença l’école de Prague à la fin du XVIe siècle (copie de J. Heintz); celui de Tintoret eut une notoriété due aux collections dans lesquelles il passa (Mazarin, puis les ducs d’Orléans). Les Léda de la Renaissance se rattachent souvent directement à des prototypes antiques (cheminée du palais de Charles Quint à Grenade, pavillon de la reine Anne à Prague). Les graveurs du XVIe siècle en donnèrent des images variées (Virgil Solis, Giulio Bonasone). La légende, qui avait attiré par ses implications philosophiques, perdit de son pouvoir de fascination durant les deux siècles suivants. Boucher, par exemple (musée de Stockholm), en donne une traduction apprivoisée aux modes habituels de sa peinture: pose alanguie de ses odalisques, cadre de verdure et d’eau formant écrin. C’est avec le romantisme que le thème retrouva une certaine faveur, et plus encore avec le symbolisme. Géricault en fit des dessins dont le caractère passionnel rejoint celui de ses scènes de viol. Mais c’est surtout Gustave Moreau qui le magnifia, semble-t-il pour la dernière fois, dans une vingtaine d’œuvres graphiques. Il commenta ainsi une de ses toiles, retrouvant le sens symbolique profond que les hommes de la Renaissance prêtaient au thème de Léda: «Le Sacre . Le Dieu se manifeste, la foudre éclate, l’Amour terrestre fuit au loin. Le Cygne-roi, auréolé, au regard sombre, pose sa tête sur celle de la blanche figure, toute repliée en elle-même dans sa pose hiératique d’initiée, humble sous ce sacre divin. L’immaculée blancheur sous la blancheur divine. L’incantation se manifeste, le dieu pénètre, s’incarne dans cette beauté pure. Le mystère s’accomplit. Et devant ce groupe sacré et religieux se dressent deux génies accompagnés de l’aigle porteur des attributs divins, la tiare et la foudre. Ils tiennent devant Léda cette offrande divine, officiante de ce Dieu s’oubliant dans son rêve. Et la nature entière tremble et s’incline.»

Encyclopédie Universelle. 2012.

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